Pégasus II : Origines

Chapitre 1 : Les âmes perdues

Extrait du journal de William Hans, architecte en chef.

2 février 2130 : Il est trop tard pour nous, nous avons passé le seuil de non-retour. La Terre ne pourra jamais guérir des blessures que nous lui avons infligée, c'est certain. L'homme est vraiment la créature la plus vicieuse et égoïste qu'il soit ! Cela faisait des centaines d'années qu'il savait qu'il détruisait son environnement, et pourtant, il n'a pas trouvé la force de changer ses habitudes et d'inverser le processus... Notre avenir, à présent, ainsi que tous nos espoirs de survie, sont placés dans la planète Zérrha, véritable sœur jumelle de la Terre située à près de 40 années-lumières. La semaine dernière, le gouvernement m'a chargé de diriger la construction d'un vaisseau capable de sauver une minuscule partie de l'humanité. Malheureusement, avec les technologies actuelles, je ne pourrais jamais sauver plus de 40 000 hommes. Huit milliards d'humains seront donc condamnés à mourir avec la Planète Bleue...

3 février 2130 : Je suis en train de faire les plans du vaisseau et je commence à m'inquiéter. Il faudra un engin absolument énorme, capable de transporter des milliers d'êtres humains, de la nourriture, du matériel et plein d'autres choses ! Je songe également à installer une IA (Intelligence Artificielle) afin de facilité le contrôle du vaisseau le plus complexe de toute notre histoire, ainsi qu'un parc à l'image de ceux qu'il y a sur Terre. Les plantes produiront de l'oxygène et apaiseront les hommes. Il faudrait aussi penser à créer un système de gravitation artificiel pour que les os des passagers ne se fragilisent pas et pour éviter tous les inconforts que l'apesanteur génère...

5 juin 2130 : J'ai fini les plans il y a environ un mois, avec l'aide d'une équipe de mathématiciens surdoués, la crème de la crème, des intellectuels venus des quatre coins du monde. Les chantiers ont commencés et avancent assez vite. Mais seront-ils prêts à temps ? Il reste si peu de temps, j'ai l'impression que les poisons toxiques que nous avons déversé involontairement sur la Terre nous tuerons tous avant... On n'ose plus prévenir la population du temps qu'il fera demain, car tout est trop instable. Un jour, une tornade dévaste le nord de la France et le lendemain il fait une chaleur caniculaire en Belgique. Ce matin, en marchant dans la rue, j'ai levé les yeux et je me suis souvenu qu'autrefois le ciel était bleu. Il reste toujours gris foncé, maintenant, même sans nuages...

23 mars 2132 : Myriam m'a quittée. Elle a dit qu'elle resterait quelques temps chez ses parents avec nos deux garçons en attendant que l'orage familial se calme. Elle me reproche de passer trop de temps à travailler et pas assez avec eux. Je regrette de ne pas pouvoir lui dire sur quoi porte mon travail, car le président m'a formellement interdit d'en parler à qui que ce soit. Si les hommes venaient à apprendre qu'on était en train de construire un vaisseau spatial capable de les sauver, les émeutes pour avoir le droit de passage seraient incontrôlables ! Mais seuls les privilégiés auront le droit de vivre... Et malheureusement, je ne sais pas ce qu'il adviendra de Myriam, de mes enfants et de moi-même, qui participe à la construction de l'espoir de l'humanité. Je doute qu'il restera de la place pour nous. Maintenant que je vit seul, je n'ai plus à mentir à personne et je peux me consacrer à ma tâche.

16 octobre 2133 : Il y a eut un attentat, ce matin, dans les chantiers. Un fou furieux a eut, je ne sais comment, vent de l'existence du vaisseau (que j'ai d'ailleurs nommé Pégasus). Il a hurlé que personne ne pourra s'enfuir, qu'il fallait assumer nos erreurs et mourir avec notre planète, que nous avions provoqué la fin du monde, l'Apocalypse selon Saint Jean. Que même si nous nous enfuyons dans l'espace, tout le monde allait périr, d'une mort lente et atroce. Il a ajouté que, pour empêcher cela, pour sauver des milliers d'âmes, il pourra se sacrifier. C'est malheureusement à cet instant précis que je me rendis compte qu'il était bardé d'explosifs. Avec un geste théâtral, il appuya sur le bouton de mise à feu et un bruit assourdissant me creva les tympans tandis qu'un souffle de feu me souleva du sol et m'envoya valdinguer sur plusieurs mètres. Je perdis connaissance. Heureusement pour moi, les secours arrivèrent très rapidement et s'occupèrent des survivants. Une heure plus tard, on me ranima à l'hôpital et une infirmière m'expliqua que j'avais souffert de brûlures au troisième degré au visage et sur le torse et qu'au cause de ma chute, mon bras gauche s'était cassé. Maintenant, il n'en parait plus rien, tout est réparé et je remercies le ciel que la chirurgie et la médecine soient autant avancées à notre époque... Mais malheureusement, au moins deux dizaines de personnes avaient péris dans l'attentat, en comptant le kamikaze, et le quadruple de robots-ouvriers. Le Pégasus était en très mauvais état. Mon second, qui était déjà sur pied et revenait du chantier, m'annonça qu'il faudrait tout reconstruire à partir des matériaux encore utilisables. Tout reconstruire ! Mon Dieu ! Pourrons-nous survivre encore quelques années ? Cet attentat aurait-il sellé le de l'humanité ? Je pries toutes les divinités de toutes les religions existantes que non...

10 juillet 2135(matin) : Nous l'avons fait ! Nous avons reconstruit le Pégasus ! Ce fut long et fastidieux, mais demain, il pourra décoller et sauver quelques milliers d'hommes et de femmes... Je ne sais pas encore si j'en ferais partie, personne ne m'a contacté à se sujet... J'ignore si je préfère finir ma vie dans une gigantesque boîte de conserve propulsée dans l'espace ou sur Terre, empoisonné par les gaz toxiques qui tuent de plus en plus de monde chaque jour... Je laisserai le destin choisir pour moi...

10 juillet 2135 (soir) : C'est décidé, le président m'a dit que je mourrai dans une boîte de conserve géante propulsée dans l'espace ! Je sais que je ne pourrais jamais voir la planète Zérrha de mes propres yeux et que je mourrais pendant le voyage car je suis bien trop vieux pour vivre encore quarante ans, mais peut-être que cette aventure vaut le détour...

10 septembre 2135 : Voilà déjà deux mois que nous sommes partis en direction de Zérrha dans l'espoir de survivre. Involontairement, les hommes se sont rassemblés entre catégorie, et ne se mélangent pas les uns aux autres. Il y a par exemple les dirigeants, la classe dans laquelle je fais partie et qui regroupe tous ceux qui ont participé à la direction de la construction du Pégasus II et ceux qui le dirigent dans l'espace. Les mécaniciens s'occupent de l'état du vaisseau et sont sous les ordres des dirigeants. J'ai remarqué qu'ils étaient très mal considérés pas les passagers, la classe supérieure, celle que les autres servent et se plient à tous ses caprices, et plus particulièrement le personnel de la ville miniature. De plus, j'ai entendu des rumeurs comme quoi des clandestins se seraient cachés dans les réserves du Pégasus II et vivraient avec nous incognito depuis deux mois. J'avoue que j'ai du mal à y croire, personne dans la population sur Terre n'étant au courant de l'existence de ce vaisseau... Même l'affaire de l'explosion dans le chantier du premier Pégasus a pu être étouffée... A mon avis, comme à l'avis du reste de la communauté qui vit désormais dans le Pégasus II, ces rumeurs sont infondées... Mais qui sait ? Peut-être ai-je tort... ?